vendredi 26 avril 2013

Brooklyn follies, Paul Auster


Un coup de cœur pour ce 1er post !

Voilà un roman qui me faisait de l'œil depuis de longs mois dans ma bibliothèque. Premier Paul Auster et très bon moment de lecture ! Rarement je n'ai lu un livre aussi rapidement et avec autant d'enthousiasme. Dès les premières lignes, les premiers mots, le charme opère, trop tard pour s’arrêter : quel plaisir de s'y replonger à chaque fois ! Le genre de roman que l'on referme à regret et que l'on aimerait voir se poursuivre indéfiniment, tant les personnages sont attachants (parce qu'ils nous ressemblent, qu'on a tous un peu de chacun en nous), tant la narration est agréable et fluide, tant le ton est léger malgré les thèmes qu'il porte.

Le lieu, évidemment : Brooklyn, magnifiquement évoqué (lisez, fermez les yeux, ça y est, vous y êtes !). L'époque, essentielle : durant l'élection de Bush et quelques mois avant le 11 septembre 2001. Mais, avant tout, le véritable ciment du livre ce sont les relations humaines : tout n'est qu'histoires de famille ou presque ou le deviendra (rajoutez un bouquiniste, une éphémère serveuse, une mère de famille modèle, une enseignante du Vermont et le compte y est).

"Je cherchais un endroit tranquille où mourir" 

Dès l'ouverture du roman, c'est bien ce que pense faire Nathan Glass (le narrateur), juif, retraité, un divorce et un cancer consommés, quand il aborde la dernière partie de son existence en se réinstallant à Brooklyn. Il reprend ses marques dans cette ville où il a vécu trois ans enfant, puis, pour tuer le temps, il entreprend de consigner dans un recueil "Le Livre de la folie humaine", les anecdotes de tous les gens qu'il aura croisés dans sa vie.
Cependant, tout s'accélère : dans une librairie d'occasion, il croise par hasard son neveu, Tom Wood, ancien thésard qui a perdu confiance en la vie et en la société il évolue. Ensemble, ils se redécouvrent, bientôt rejoints par le patron de Tom, Harry Brightman, le bouquiniste gay au passé sombre.
D'horizons différents, de générations différents, ces trois solitaires-là ont pourtant bien des points communs : des familles déchirées, des amours impossibles (la serveuse de Nathan, la JMS de Tom...), des désirs inassouvis, mais surtout l'utopie d'une vie idéale qui prendrait la forme d'un "Hôtel Existence".
Puis, un jour, débarque de nulle-part, Lucy, la jeune nièce de Tom. Suivra un périple vers la verte campagne du Vermont, là où tout (re)commence, mais aussi, là où tout fini pour certains...

L'histoire et les personnages se révèlent au fil des pages finalement très banals. Aucun tour de force si ce n'est quelques pages un peu plus rock'n'roll. Mais c'est justement la force du livre : la sympathique authenticité des personnages et leurs fragilités au quotidien. Il est d'autant plus facile de s'identifier à eux que nous avons tous un jour vécus tout ou partie de ce qu'ils leurs arrivent : cela pourrait être vous, moi... Banal mais pas monotone : l'intrigue est ponctuée de scènettes à rebondissements (ah cette fausse fin palpitante !) qui assurent le rythme du roman. La plume d'Auster ? D'une fluidité et d'une efficacité narratrice incroyables. Il joue avec le style et le rythme selon les besoins de l'action (road-movie dans le Vermont, façon scène de théâtre lors du dîner au restaurant ou même thriller mais... chut !). Via son narrateur, il établit également une connivence avec son lecteur et sait à merveille susciter, par des effets d'annonce, notre intérêt à poursuivre avec plus d'envie la lecture. Exemple p.120 :
"Je reçus mon premier baiser et un sourire radieux en remerciement, mais aussi quelque chose que je n'avais pas prévu. Cela s'appelait Ennuis, et quand j'arriverai dans mon histoire au moment où j'ai rencontré M. Ennuis, je ferai le récit complet de ce qui s'est passé"
Roman du désir, du manque, de la solitude, de la recherche du bonheur, il est aussi celui de la société du paraitre, du non-dit :
"comment une chose pareille est-elle possible ? me demandais-je. Comment un homme pouvait-il se tromper aussi complètement sur le compte d'un individu et en même temps apprécier si justement le véritable caractère d'un autre ?" p.265
Les personnages portent en eux bien des maux de la société US : ravages psychologiques des combattants de retour de la guerre du Golfe, prostitution, homophobie, sectes religieuses... Mais quand le roman débute, le mal est déjà fait, la résignation domine, restent les regrets et les rêves, inaccessibles, forcement... Sauf quand un heureux grain de sable vient enrayer cette satanée machine et que les Tom, Nathan... se décident enfin à reprendre leur vie en main et celles des autres pour s'offrir un monde meilleur...
Oui, mais jusqu’à quand ? (le roman s'achève exactement huit heures avant le crash du premier avion dans les tours du World Trade Center).

En complément, je vous conseille la lecture de Netherland de Joseph O'Neill (Éditions de l'Olivier, 2009) dont l'action se situe à New York, mais cette fois-ci, quelques mois après les attentats du 11 septembre. Quel aura été l'impact de cet événement sur cette société US ?

D'ici-là, bonne lecture et à bientôt !


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Brooklyn follies de Paul Auster
370p
Editions Actes Sud, 2005
lecture du 15 au 29 avril 2013

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